vendredi 7 septembre 2012

Récit de mon 1er acccouchement à la maison

 28 juillet, 23 heures, dans une heure cela fera exactement 9 mois que je t'attends...

C'était un été très chaud, le soleil s'était couché mais la chaleur m' accablait toujours .
Le calme régnait dans la maison, minuit sonnait. J'étais la seule éveillée, tournant en rond, m'occupant à diverses activités en alternant la lecture, les fringales, l'écriture et la marche... à vrai dire je ne me sentais pas comme d'habitude, mais j'avais mis cela sur le fait que je venais de basculer à J+1, ce qui me désespérait... cette sensation que je n'accoucherais jamais!

2 heures du matin: Depuis plus d'une heure mes muscles se tendaient dans le bas ventre paraissant presque imperceptibles, puis les contractions étaient apparues plus fortes avec le temps et de façon de plus en plus régulières. Je me surprenais à m'affairer : à gonfler la piscine dans le salon, à y mettre de l'eau, à disposer des alèses sur le canapé. C'était vraiment très étrange car je me demandais: "que suis je en train de faire?" Il ne me semblait pas que le processus de l'accouchement était enclenché, pourtant je m'y préparais dans une sorte d'automatisme et de ferveur.

5 heures du matin : l'intervalle des contractions s'était considérablement resserré, je commençais à être fatiguée d'une nuit presque blanche, les douleurs semblaient s'installer, l'idée de dormir me paraissait définitivement impossible!
Mon fils de deux ans et demi se réveillait me demandant de téter, il devait sentir quelque chose car ça faisait bien longtemps qu'il ne réclamait plus la nuit!
J'hésitais , je n'étais sûre de rien , je ne me rendais pas bien compte de la cadence de l'accouchement, je planais!
La réalité me rattrapait par ses pleurs, mon esprit devenant soudain pragmatique; deux solutions possibles s'imposaient :
je tentais de l'allaiter pour le rendormir avec le risque de ressentir de très grosses contractions dûes à la libération de l'ocytocine (Cette hormone ne permet pas seulement l'évacuation du lait. Elle permet également de produire les contractions de l'utérus au moment de l'accouchement, lorsque le travail est déjà engagé. Ces contractions continuent après l'accouchement, pour permettre à l'utérus de reprendre sa taille initiale.)
ou j'acceptais qu'il reste éveillé, m'accompagnant dans mon périple.
La situation était claire,  je sentais bien qu'il ne refermerait pas les yeux sans avoir pris de mon lait!

J'étais comment dire ... comme partie dans un monde parallèle et la pensée de réveiller le papa ne m'était même pas venue à l'esprit! Je choisissais l'option de l'allaitement et une contraction fulgurante arriva en moins d'une minute, je m'entendais dans un long râle..., je ne pouvais plus continuer! Mirek, le papa se réveilla , tout surpris de l'installation effectué dans le salon durant la nuit et de la gaieté de notre fils qui s'était définitivement tiré de son sommeil et qui sautait en criant "bébé va arriver!" après avoir aperçu la piscine dans le pièce. En effet, je lui avais expliqué que son petit frère naîtrait peut être dans l'eau, dans le salon. C'était  en tout cas mon souhait, ce que j'avais projeté, dans mon idéal.

J'expliquais à Mirek que je n'avais pas dormi, qu'il fallait qu'il m'aide à calculer mes contractions et que cette agitation soudaine me donnait le vertige. C'était un changement trop brutal, m'arrachant au silence de la nuit, m'extirpant de ma bulle. Mes contractions étaient passées à l'étape supérieure, je décidais de m'allonger dans la piscine, mais notre fils ne cessait de parler, de rire, d'entrer et sortir de l'eau; décidé à célébrer ce moment magique qui commençait.

La nuit avait fait son œuvre, les hormones aussi, j'étais dans le voyage, partie à la rencontre de notre bébé; j'étais déjà loin et j'avais envie de calme...
Nous avions prévu Mirek et moi de garder notre fils aîné à la maison. Nous nous étions tout compte fait très peu séparés de lui depuis sa naissance, l'emmener ailleurs ne nous semblait pas une évidence. Mais à ce moment précis les choses étaient bien différentes, le petit était extrêmement agité, il ne voulait pas rester avec son père, cherchant sans cesse ma présence et une réponse de ma part, ce dont je ne pouvais lui apporter. Ils partirent chez des amis, notre enfant y resta.
Je décidais d’appeler J, la sage femme. Mon corps s'était tendu, je ne me sentais pas très bien, tout ce remue-ménage m'avait fait sortir de mon bien être, et les douleurs étaient devenues plus difficiles à gérer. Au téléphone avec J, plusieurs contractions s'étaient répétées, rapprochées, j'avais du mal à finir mes phrases, je l'entendais me dire "j'arrive".
Dans la foulée, à peine raccroché, j'appelais mon accompagnante à la naissance, Vaia, une doula, il était convenu qu'elle serait là pour me soutenir avec le papa. Elle me dit également qu'elle arrivait.

Je restais seule, abasourdie par une multitude de sensations étranges, je n'arrivais pas à trouver ma place, j'essayais de faire corps avec le gros ballon bleu, puis de me détendre accroupie. M'étendre dans la piscine n'était tout simplement plus adéquat, une impression désagréable de me dissoudre, de me liquéfier, j'avais avant tout besoin d'un support "solide" sur lequel m'accrocher.

Auparavant, j'avais vaguement pensé à la façon dont j'accueillerais la sage femme et la doula; par pudeur je m'étais dit que je serais habillé au moins du minimum.
Mais c’était nue et dans une sorte de transe que j'ouvrais la porte à J la sage femme, il était 6 heure du matin.
Elle m'auscultait difficilement, j'avais des contractions toutes les 3 minutes et elles étaient longues de 2 minutes! Je n'étais malheureusement pas très dilatée 3/4 cm. Le chemin pouvait être encore bien long...
Vaia et Mirek étaient arrivés, mes contractions s'intensifiaient, mais j'étais soulagée. C'était calme, ils chuchotaient, les rideaux étaient tirés, la lumière des bougies valsait . A tour de rôle on venait me masser, un petit déjeuner se préparait et une musique douce flottait dans la pièce. J'adorais l’atmosphère qui y régnait, je redevenais plus sereine, trois personnes que j'estimais étaient là juste pour moi, et tant d'attention me rassurait car l'espace d'un moment indéfini, j'avais bel et bien perdu pied.
Le climat s'apparentait à celui que le médecin Michel Odent décrivait dans son livre "Votre bébé est le plus beau des mammifères" lu pendant ma grossesse.
Pendant l'accouchement, une femme a un grand besoin d'intimité, de silence, peu de lumière et de ne pas avoir l'impression d'être observée. Pour permettre de libérer le néo cortex (impliqué dans les fonctions cognitives) et laisser place au cerveau archaïque afin de lâcher prise totalement pour secréter suffisamment d'endorphine et atténuer les douleurs.

C'était exactement ce qu'il m'arrivait, un lâcher prise total, je ne contrariais aucunement mes douleurs, je me laissais porter par une mer agitée. J'avais travaillé toute cette facette lors de ma préparation à l'accouchement (tourné essentiellement vers un accompagnement psychique, un travail sur les peurs), et je mettais tout cet aspect en pratique.

Les contractions devenaient de plus en plus violentes, je vomissais à plusieurs reprises. Le bon côté était que mon ventre se détendait un instant, un répit ...C'était une période difficile, une  grosse tempête!
Pendant tout ce temps,  avant puis après, j'étais réellement soutenue, chacun leur tour, ou tous ensemble, ils manifestaient leur présence, de façon douce, subtile, s'arrêtant à mes attentes. Ils écoutaient ce  que je ressentais, notamment la nécessité d'être auprès d'eux. J'avais énormément besoin de contacts. Ils me donnaient cette aide précieuse sans avoir besoin de parler...d'ailleurs plus un mot ne sortait de ma bouche depuis un long moment!
Aussi plusieurs fois , Vaia et J nous laissaient seuls, s'éclipsant, nous laissant dans l'intimité de notre couple. Toutes nos interactions, nos échanges semblaient évidents, comme une gracieuse chorégraphie où les  relations humaines devenaient simples, pures.

J'étais dans une ivresse étourdissante, il devait être 10 heures du matin, J me dit que j'étais à 8 cm.
Je me souviens de m'être félicitée de cette endurance car lors de ma première naissance je n'avais pu gérer la douleur au delà de 3/4 cm. C'était manifeste, un autre contexte, d'autres attentions, plus humaines, plus instinctives, favorisaient  un mieux être indéniable!
Mon état de transe me permettait à ce stade de dormir entre les contractions, ce qui était tout de même incroyable car ces plongeons répétés dans le sommeil ne duraient jamais plus de 2 minutes!

La première poche des eaux se perçait, le liquide était légèrement teinté, mon bébé avait fait un peu caca. J, allia ce constat au fait que j'avais été stressée au petit matin, perturbant ainsi le petit être qui vivait encore en moi.
A partir de ce moment là  J répétait  des contrôles au monitoring pour s'assurer d'un bon rythme cardiaque et pour être sûre qu'il n'y aurait pas de souffrance foetale. Elle adaptait un protocole bien moins rigide que traditionnellement en structure, en évaluant exactement la situation, ma situation : les excréments étaient frais , le liquide peu teinté, le coeur ok...Elle redoublait de vigilance afin que cet événement ne mène pas vers des problèmes.

11 heures du matin : la dilatation était compléte, cela faisait 45 minutes que je poussais de façon instinctive, par petits à-coups, non pas pour accoucher mais pour faire descendre davantage mon bébé .
J'étais extrémement fatiguée, il m'arrivait d'avoir des trous noirs, dûs aussi à mon état second qui s'amplifiait encore. Je demandais l'heure  en lui  suppliant dans combien de temps ce serait fini. Je voulais une réponse précise, mais pour ne pas me démoraliser, J me répondait que très vaguement "dans la matinée, ou début d'après midi..."

Non loin de midi ,elle me proposait de percer la seconde poche des eaux pour me soulager, mais dès ce geste appliqué, une tension palpable emplissait l'air, le coeur de mon bébé ralentissait de façon considérable, "on  la transfert" dit J "où est le téléphone?"
Ils étaient là, tous extrêmement zen, malgrè une pression pesante, Vaia saisissait le téléphone, nos regards s'étaient croisés. Nous étions tous fortement unis depuis le début de cette matinée,  en communication  tactile et  quasiment télépathique! Je sentais qu'elle comprenait mon désespoir d'être arrivée si près du but et pourtant dans l'obligation de basculer dans d'autres lieux. Elle me laissa un temps, peut être une minute ou plus, je ne sais plus. Dans cet instant, où le temps s'y engouffrait tout entier, une force inimaginable m'animait soudain et J apperçevait le sommet de la tête, le coeur reprennait son rythme normal, Vaia lâchait le téléphone.

Peu de temps après la petite tête était dehors, mais le reste du corps ne suivait pas. J entreprit les manipulations adéquats. J'avais une sensation de glissement, l'impression qu'elle essayait d'attrapper un poisson! Depuis un certain temps déjà, je n'étais plus sûr de qui des trois me massaient,  de ce qui se passait réellement autour de moi;  mes facultés de percevoir s'était transformées, mon regard était tourné vers l'intérieur de mon corps. J'étais arrivée à l'apogée du lâcher prise, la libération hormonale était au maximum, la douleur ne paraissait plus et ma conscience avait laissé champs libre à mes instincts les plus primaires. Un sentiment d'abandon m'étreignait dans cette dernière étape, sublime de sens.
Les épaules de mon bébé se libéraient enfin, je pris son corps dans mes mains, son cri me ramenait à la réalité, il était là, tout chaud sur mon ventre. Le sourire aux lèvres, nous étions là heureux parents et accompagnants à savourer ces minutes merveilleuses.
J'avais projeté de donner la vie dans l'eau, mon deuxième garçon était né sur le canapé, accouchant en position de latérale.
Je le regardais, il ne paraissait pas fragile, il semblait grand et fort, ce qui n'était pas simplement une vision subjective de ma part mais une réalité immuable; un beau bébé de 4kg500 et 56 cm!
Mirek avait coupé le cordon bien longtemps après, lorsqu' il avait cessé de battre. Nous étions si heureux de cette naissance mais aussi de toute cette douceur alentour.
Du haut de ses deux ans et demi son grand frère arrivait 20 minutes après la naissance, il était là regardant pour la première fois son petit frère, chacun tétant à un sein.
Quel délicieux souvenir, celui d'avoir été libre et respectée dans mes choix ainsi que le sérieux, la bienveillance et le calme de ceux qui m'accompagnaient dans ce beau voyage.
J'ai accouché par les reins (mon bébé était dos contre le mien), la douleur a été très intense à certains moments, je reste persuadée que sans tout ce soutien je n'aurais pas pu gérer les événements aussi bien!
Dorénavant nous étions quatre, Vaia et J étaient parties, nous laissant dans l'intimité de notre foyer.


Hamac pèse bébé!

Fanny, bio-logiquement-maman

Toutes les photos présentent sur cette page de blog sont la propriété exclusive de fanny,bio-logiquement-maman

3 commentaires:

  1. magnifique récit ! merci pour ce partage !

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  2. Très émouvant Fanny ! Que ce moment si intime partagé puisse rassurer les futures mamans...

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  3. Moi aussi, lors de mon accouchement, je me suis souvenue d'un passage d'un livre, celui de Marie Darrieussecq, Le bébé : "quand il est né, je voulais retomber enceinte tout de suite. Je voulais le refaire à nouveau, lui, le même. Je voulais l'avoir en double, en triple, collectionner ses clones, accoucher de lui dans un présent éternel "
    Merci Fanny pour ce partage d'émotions :-)

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